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Markets and Insights #8 : Un été trop chaud - et si vos investissements étaient la solution ?

Le dernier rapport du GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, est passé presque inaperçu en raison de l’actualité géopolitique. Et pourtant, son message principal est alarmant : il est crucial d’agir dès maintenant pour répondre à l’urgence climatique, secteur financier y compris.

 

Les précédents rapports se concentraient sur l’évaluation de l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. Après avoir conclu avec une très forte probabilité que l’activité humaine est le principal responsable du réchauffement climatique, la dernière publication traite des solutions à mettre en place.

L’une des principales recommandations est une plus rapide réorientation des flux financiers globaux vers les solutions d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. A ce jour, les écarts d’investissements pour atteindre les trajectoires prévues par les accords de Paris et réussir à ralentir le réchauffement climatique sont immenses. D’après le GIEC, les investissements dans l’électricité verte, doivent ainsi être multipliés par 2 à 5, ceux dans l’efficacité énergétique par 2 à 10, dans le transport par 7 à 8 et dans l’agriculture durable, y compris la silviculture, par 10 à 29.

Cette réorientation des flux financiers concerne tous les acteurs du secteur de la finance.  Il s’agit d’intégrer les risques climatiques dans l’évaluation des risques de financement pour les banques ou de comprendre et d’intégrer dans la gestion du portefeuille, l’impact des investissements sur le réchauffement climatique pour les sociétés de gestion d’actifs et investissements. Ainsi, comme les Etats, les gérants d’actifs s’engagent vers le « net zéro ». L’initiative Net Zéro Asset Manager, créé en décembre 2020, regroupe déjà plus de 236 signataires représentant plus de 57 trillions USD d’actifs sous gestion. Avec cette initiative, les signataires s’engagent à aligner leurs portefeuilles avec les accords de Paris et à soutenir les investissements pour les émissions nettes zéro à l’horizon 2050.

Grâce à la data science et à la modélisation des flux physiques, il est désormais possible d’estimer sur quelle trajectoire de réchauffement climatique se situe un portefeuille d’investissements ou autrement dit, quelle est la « température » de ce portefeuille. Les scientifiques sont désormais capables d’estimer le « budget » d’émissions de gaz à effet de serre que nous pouvons encore émettre pour limiter le réchauffement climatique à 1,5° C. De manière générale, le monde doit réduire ses émissions de 7,6% par an.

Tous les secteurs d’activité n’ayant pas la même capacité de réduction immédiate, les scientifiques ont également estimé la part de ce budget attribuable à chaque secteur annuellement selon les possibilités de décarbonisation de leurs processus industriels et les progrès technologiques prévus. Des champions d’alignement existent déjà, mais les industries lourdes par exemple, ainsi que le secteur pétrolier, ont encore un long chemin de transition à faire. Cette analyse sectorielle peut alors être combinée avec une analyse plus fine au niveau des sociétés : les efforts déjà mis en place et leurs engagements vers le net zéro. Il est ainsi possible d’estimer sur quelle trajectoire de réchauffement climatique se situe chaque entreprise. En obtenant une trajectoire pour chaque société du portefeuille et connaissant la part investie de cette société, il est possible d’estimer la trajectoire de réchauffement climatique d’un portefeuille d’actifs listés.

Du fait des nombreuses méthodologies existantes, parfois complexes et peu transparentes, ainsi que des multiples fournisseurs de données, les résultats peuvent être fortement hétérogènes et incomparables pour un même portefeuille. Le rapport « The Alignement Cookbook » de l’Institut Louis Bachelier paru en 2020 met en évidence ces disparités en étudiant les différentes méthodologies de 12 fournisseurs de données. Ainsi, la hausse de la température implicite d’un même portefeuille peut varier de 1,5°C (et donc être aligné sur la trajectoire des accords de Paris) à plus de 3,5°C (et donc ne plus être aligné avec les accords de Paris). Ces écarts peuvent être encore plus importants au niveau des actions sous-jacentes.

Plus que le calcul de la température implicite d’un portefeuille, ces outils ont un rôle pédagogique et peuvent permettre aux investisseurs de se rendre compte de leur rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Par exemple, en cas de portefeuille suivant une trajectoire de réchauffement climatique bien au-delà de 2 degrés, un investisseur peut faire le choix, radical, de se désinvestir de ses titres ou secteurs les plus émetteurs en gaz à effet de serre. Il peut également faire le choix, parfois plus constructif et efficace, d’engager le dialogue avec les sociétés concernées pour les inciter à réduire leurs émissions.

Cette notion de dialogue engagée fait désormais pleinement partie du processus d’investissement. Les investisseurs s’engagent et s’attendent à ce que les sociétés en face jouent le jeu du dialogue. De plus en plus, les entreprises ont des spécialistes dédiés à ces questions environnementales au sein de leurs équipes relations investisseurs. Ce dialogue fonctionne et encourage les entreprises à améliorer la transparence sur les émissions et autres données environnementales. Souvent, cela permet également de pousser à se fixer des objectifs plus ambitieux. Ce dialogue engagé est d’autant plus nécessaire qu’aujourd’hui, la majorité des indices actions européens présente une trajectoire estimée allant bien au-delà d’une hausse de 2,5°C.  

La lutte contre le réchauffement climatique ne peut se faire qu’avec la participation de tous les acteurs, le secteur financier ayant un rôle majeur à jouer. Comme le dit l’adage : « Les petits ruisseaux font les grandes rivières… », c’est par les petits efforts individuels que le collectif va se mettre en place.

Petra BESSON-FENCIKOVA, CFA Head of ESG investments Portfolio Manager
Kevin DISDERO Expert in ESG Investments & portfolio implementator Societe Generale Private Wealth Management