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CIO Views - Au coeur des incertitudes se trouve l’opportunité

17/02/2023

La prudence est de mise sur les prévisions de croissance économique en ce début d’année tant les incertitudes sont grandes sur la politique monétaire, la crise énergétique et les tensions géopolitiques. Mais au coeur de ces incertitudes se trouve l’opportunité. La hausse des rendements et la forte correction de valorisation offrent des sources d’opportunités pour l’investisseur. Si les attentes sont faibles, les surprises sont plutôt positives et les marges de sécurité plus importantes.

Des perspectives économiques contrastées mais des surprises sont possibles

La croissance économique a significativement ralenti ces derniers mois, à tel point qu’une large majorité d’économistes prévoit désormais une récession pour 2023 sur le vieux continent. Les fortes hausses des coûts de l’énergie, du gaz mais aussi de l’électricité ont affecté la production industrielle en fin d’année et la fin de la période de restockage pèse sur les nouvelles commandes. Mais ces éléments pourraient rapidement s’inverser. Sur le front de l’énergie, les stocks de gaz sont au plus haut et la disponibilité du parc nucléaire français va sensiblement s’améliorer dans les prochains mois. L’indice des surprises économiques, qui mesure la différence entre les données économiques publiées et les estimations des économistes, s’est fortement redressé ces derniers mois. La croissance pourrait donc se révéler plus résiliente qu’attendu.

Citigroup Economic Surprise Index

csm_graph1_0096a894f5.jpgSource: Societe Generale Private Wealth Management, Bloomberg, janvier 2023
Past performances are not a reliable indication of future performances.

 

Aux États-Unis, l’incertitude dans les prévisions économiques réside dans la mesure de l’effet du durcissement de la politique monétaire. Ces effets sur l’activité sont par nature retardés, ce qui génère un très fort aléa sur les prévisions de croissance. La phase de resserrement monétaire est intervenue après une période de forte accumulation d’épargne, ce qui tend à réduire l’impact du durcissement de la politique monétaire sur l’activité. L’impact le plus visible se concentre sur le marché immobilier qui souffre du renchérissement des crédits hypothécaires. Les conséquences sur le revenu des ménages devraient cependant être assez contenues à court terme, les emprunteurs ayant largement refinancé leurs crédits à taux fixe. Le plafond de la dette et le risque induit d’un défaut des États-Unis sont également des sujets d’attention pour les investisseurs et pourraient entraîner de fortes crispations.

La situation du marché du travail est intéressante tant elle peut être perçue à la fois comme une opportunité de redressement de la croissance et comme un risque pour la stabilité des prix. L’emploi a atteint des niveaux records des deux côtés de l’Atlantique. Cette bonne santé du marché du travail s’explique notamment par le développement des services liés au digital et par la relocalisation des chaînes d’approvisionnement post covid. Cependant, le dynamisme du marché du travail complique la donne des banquiers centraux, faisant planer le risque d’effets de second tour sur l’inflation et de mise en place d’une boucle prix-salaires. Si ce risque était évité, le reflux de l’inflation pourrait alors entraîner un rebond marqué de la confiance des consommateurs et préfigurer une reprise de la consommation en 2023.

Si des questions subsistent sur les perspectives de croissance dans les pays développés, le potentiel de rebond de l’activité en Chine fait consensus. En effet, l’arrêt brutal de la politique sanitaire « covid zéro », après trois années de confinement et de restrictions de déplacement, devrait entraîner une nette reprise de la consommation et de l’activité économique. La Chine a en effet mis en oeuvre la politique sanitaire la plus longue et la plus stricte au monde. Comme dans les pays développés, les consommateurs chinois ont accumulé des réserves d’épargne importantes. Mais une partie de cette épargne restera thésaurisée pour contrer les « effets richesse » négatifs liés à la crise immobilière. La politique économique va quant à elle rester particulièrement expansionniste avec une politique monétaire accommodante (la Chine ne connait pas de flambée inflationniste) et un support budgétaire important. Malgré des incertitudes à moyen et long terme sur le rythme de croissance tendanciel de l’économie chinoise compte tenu notamment des effets démographiques négatifs et de la forte expansion de la dette, le potentiel de rebond est bien présent en 2023.

Incertitudes sur le dimensionnement des politiques monétaires

 

L’inflation a été le marqueur de 2022 sur le plan monétaire et financier, surprenant la communauté des économistes par sa durée et son ampleur. Hormis les effets réels observés pendant la phase initiale de réouverture des économies, ce sont les effets monétaires qui ont été sous-estimés. Les banquiers centraux avaient déjà utilisé les outils dits « non conventionnels » de stimulation de la liquidité par l’expansion du bilan depuis la période de la grande crise financière, sans générer de tels effets sur l’inflation.

Deux éléments sont à prendre en compte. Tout d’abord, le dimensionnement des interventions est sans commune mesure : la Fed et la BCE ont injecté plus de liquidités dans l’économie pendant les huit semaines qui ont suivi la mise en confinement des économies occidentales que pendant les 18 mois suivant la crise de 2008. La masse monétaire aura ainsi progressé de plus de 40% aux États-Unis entre avril 2020 et décembre 2021. Le second facteur déterminant est l’association entre stimulation monétaire et expansion budgétaire.

La composante monétaire est donc primordiale et on peut mesurer de manière empirique que la masse monétaire précède l’inflation de 18 mois. Ainsi, la baisse observée de la masse monétaire depuis la fin de 2022 devrait engendrer un net reflux de l’inflation en 2023. Le phénomène va d’ailleurs être accentué par la baisse des prix de l’énergie. Cela fait partie des aléas du bon dimensionnement d’une politique monétaire qui est par nature incertaine. La difficulté étant d’éviter de sous-réagir ou sur-réagir.

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Source: Societe Generale Private Wealth Management, Macrobond, January 2023
Past performances are not a reliable indication of future performances.

Après la hausse de taux vertigineuse opérée la Fed en 2022, les incertitudes sont importantes. Le renchérissement des coûts du crédit est si rapide qu’il risque de provoquer un assèchement du crédit dans l’économie. C’est d’ailleurs déjà bien visible dans le secteur immobilier avec une forte baisse des crédits octroyés. De surcroit, la Fed et la BCE ont entamé une phase de réduction de leur bilan. Là encore, il est difficile d’en mesurer précisément les effets sur l’économie mais ces opérations sont équivalentes à des hausses de taux. La réduction du bilan de la Fed va venir se cumuler aux déficits jumeaux américains et devrait peser sur le dollar.

Des nouvelles opportunités pour les investisseurs

Les incertitudes sont réelles sur le scenario économique et sur la politique monétaire. Néanmoins, si l’année 2022 a été, à bien des égards, difficile pour les investisseurs, l’année 2023 se présente sous de biens meilleurs hospices.

La forte hausse des taux redonne des perspectives sur nombre de classes d’actifs. En décembre 2021, on pouvait comptabiliser un stock de près de USD 15tr d’obligations à rendement négatif. Les investisseurs sur ces titres s’exposaient à une perte certaine à échéance. L’assèchement du marché des obligations du trésor américain suite aux achats de la Fed compliquait grandement la donne pour l’investisseur, contraint de se reporter sur des titres de moindre signature et recherchant souvent sur les marchés actions des alternatives crédibles à ces marchés de taux dénués de rendement.

Aujourd’hui, la période est toute autre, et le marché obligataire offre des perspectives de rendements élevés et présente à nouveau de l’attrait pour l’investisseur. Sur un an, le rendement des obligations d’état est passé de 0,1% à plus de 3% en zone euro et dépasse les 5% aux États-Unis. Avec de tels niveaux de taux, on devrait retrouver le comportement historique observé sur les obligations d’état dont le prix tend à s’apprécier en période de ralentissement marqué de l’économie. Les investisseurs retrouvent également de l’attrait pour les placements monétaires, ce qui n’était plus le cas depuis de nombreuses années.

Pour les marchés actions, la situation est plus contrastée puisque des alternatives crédibles et moins risquées existent. L’Europe et les pays émergents offrent aujourd’hui des valorisations décotées, avec des multiples au plus bas depuis 15 ans. La dynamique bénéficiaire est robuste en Europe avec une progression des résultats des entreprises de près de 30% en 2022. La remontée des taux crée des conditions favorables pour le secteur des financières qui devrait bénéficier d’une dynamique de croissance retrouvée. Les valeurs de la consommation, malmenées en 2002, offrent également de meilleures perspectives. Les pays émergents devraient retrouver un momentum positif porté par la reprise de la consommation en Chine.

En revanche, les valorisations restent tendues sur les marchés américains en dépit de la correction entamée en 2022. La dynamique bénéficiaire semble y marquer le pas, notamment sur le secteur de la technologie. Les résultats du quatrième trimestre sont à ce titre assez préoccupants, avec des baisses de résultats pour l’ensemble des FAANG et plus généralement pour le Nasdaq.

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Mais la nouveauté de 2023 réside surtout dans le potentiel retrouvé des portefeuilles diversifiés. Les rendements attendus ont significativement progressé en un an et le potentiel de décorrélation offert par les marchés obligataires est dorénavant retrouvé.

Face à des perspectives économiques pour le moins incertaines, les opportunités d’investissement sont bien réelles en 2023. Même si la prudence reste de mise, les attentes sont basses et les surprises sur la croissance peuvent également se révéler positives. Rester investi, connaitre sa résistance aux risques, conserver des marges de sécurité et adopter une approche équilibrée et diversifiée restent les principes fondateurs d’une allocation d’actifs performante sur la durée.

Rédigé en février 2023 par

David Seban-Jeantet

Chief Investment Officer - Societe Generale Private Wealth Management.

Responsable de la gestion d'actifs Société Générale Private Wealth Management