CIO Views - Des nuages au printemps
Dans une année marquée par une reprise presque mécanique de l’activité après la période de Covid, les nuages s’amoncellent sur les perspectives économiques et financières. Si le scenario économique global reste positif, la reprise bourgeonnante a rapidement été revue à la baisse, tant dans les pays développés que dans les pays émergents. La guerre en Ukraine, avec son lot de souffrances, concentre toute notre attention et catalyse les incertitudes qui nous entourent. L’inflation reste le marqueur de cette reprise et complique la donne en matière de politique économique et monétaire. Dans cet environnement, la diversification est de mise, et l’investisseur doit garder des marges de sécurité.
Des contraintes sur l’offre et un effondrement de la confiance des consommateurs
L’année 2022 avait commencé sous de très bons hospices compte tenu du fort rebond de l’activité anticipé au sortir de la pandémie de Covid-19. Les tensions sur l’appareil productif, avec les multiples goulots d’étranglement, continuent néanmoins de contraindre la production. La guerre en Ukraine et les nouvelles mesures de confinement strictes décidées en Chine compliquent la donne. Dans le secteur des services qui a payé un lourd tribut pendant les périodes de confinement, les perspectives d’activité se normalisent rapidement mais pâtissent de la faible disponibilité de la main d’œuvre, qui s’est détournée de ces métiers parfois difficiles. Par ailleurs, on observe partout dans le monde un véritable effondrement de la confiance des consommateurs, qui flirte avec les plus bas niveaux observés pendant la crise du Covid-19 ou pendant la crise financière de 2008. Cette chute s’explique essentiellement par les inquiétudes sur le pouvoir d’achat exacerbées par le bond des prix du pétrole. Les inquiétudes sur la sécurité contribuent également à la baisse de la confiance des ménages en Europe.
Indices de confiance des consommateurs
Source : Société Générale Private Wealth Management, Bloomberg, Mai 2022
Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures.
Un net repli des prévisions de croissance
Le consensus des prévisions des économistes prévoit dorénavant une croissance de 2,8% en zone Euro et 3,1% aux États-Unis. Ce niveau, s’il peut sembler confortable, marque un net repli par rapport aux attentes de début d’année, puisque la croissance était en effet prévue à respectivement 4,5% et 4,2% à fin janvier. Le consensus prévoit ainsi une stabilisation de la croissance en glissement trimestriel par rapport au niveau du premier trimestre. Notons que ce niveau de croissance est largement expliqué par l’acquis de croissance des derniers trimestres. La croissance actuelle cache donc une réelle décélération de l’activité. En Chine, la stratégie sanitaire de zéro Covid contraint fortement l’activité et fait peser un alea important sur les perspectives de production et de consommation. La tendance de révision est donc clairement négative et le niveau d’incertitude pèse sur les prévisions économiques.
L’inflation est nettement revue en hausse
L’inflation est le marqueur de cette reprise et, de manière symétrique à la révision en baisse des perspectives de croissance, on observe une forte hausse des prévisions d’inflation depuis le début de l’année. Le consensus prévoit une inflation autour de 6,5% en zone Euro en moyenne annuelle. A fin avril, l’indice des prix à la consommation atteint des plus hauts de 40 ans à 7,5% en zone euro et 8,5% aux États-Unis. Le scenario inflationniste est renforcé par la poussée des prix du pétrole dans un environnement géopolitique instable. Il n’en reste pas moins que les risques de second tour d’inflation progressent rapidement. En particulier aux États Unis, les salaires accélèrent fortement, faisant craindre la matérialisation d’une boucle prix-salaire. On observe également un nombre grandissant de secteurs qui opèrent des hausses de prix. On paye aujourd’hui le prix de la très forte expansion du bilan des banques centrales opérée pour contrer les effets de la pandémie. Depuis avril 2020, la masse monétaire américaine aura ainsi progressé de plus de 40%. Si, dans un premier temps, cette hausse a pu être compensée par une baisse de la vélocité de la monnaie (nombre de transactions effectuées par une unité monétaire), on assiste avec la reprise à une très forte tension sur les prix.
Les consommateurs absorbent l’essentiel du choc sur les prix
La chute observée de la confiance des consommateurs ne se retrouve pas dans les enquêtes sur la production. Les perspectives d’activité dans l’industrie et les services restent à des niveaux très élevés. La confiance mesurée dans les enquêtes auprès des entreprises est donc en opposition totale avec ce qui est observé chez les consommateurs, et pour cause, les entreprises gardent une forte capacité de pratiquer des hausses de prix. La croissance « ressentie » par les entreprises, somme de la croissance réelle et de l’inflation, est toujours en forte accélération depuis le début de l’année. A l’inverse, le pouvoir d’achat recule de près de 7% dans les pays développés alors même que l’emploi augmente. On observe aujourd’hui une relation positive entre emploi et inflation, une version actualisée de la règle de Taylor, où la hausse des prix provoque une hausse de l’emploi.
Indice des prix à la consommation US
Source : Société Générale Private Wealth Management, Bloomberg, Mai 2022
Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures.
Un durcissement de politique monétaire qui fait peser des risques sur la croissance
Pour tenter de contrôler l’inflation, la Réserve Fédérale Américaine (Fed) a très fortement ajusté son discours sur la trajectoire de sa politique monétaire, combinant hausse de taux et réduction de bilan à un rythme élevé. Les taux courts ont ainsi très fortement progressé. Compte tenu du rythme d’inflation, la marche est élevée pour atteindre des taux d’intérêts réels positifs (taux d’intérêts nominaux corrigés de l’inflation). L’inversion de la courbe des taux observée au cours du trimestre fait craindre une récession. En effet, la pente de la courbe est un indicateur efficace de récession, qui a fait ses preuves en prédisant les dernières récessions aux États-Unis. Ces craintes des investisseurs ont été relayées par la BoE (Bank of England) dans les minutes de son comité de politique monétaire. Néanmoins, l’endettement des ménages a fortement baissé depuis la crise de 2008, une épargne excédentaire a été constituée pendant la crise de covid-19. L’effet du durcissement monétaire devrait donc être mesuré sur l’activité. La BCE (Banque Centrale Européenne) est confrontée, dans une moindre mesure, aux mêmes défis pour combattre l’inflation. En revanche, la guerre en Ukraine et les risques de rupture des approvisionnements en gaz compliquent l’agenda de l’institution. Les hausses de taux seront donc plus graduelles en zone euro.
Hausse de la volatilité et correction de valorisation
Avec des taux américains à 10 ans qui flirtent avec les 3% et des taux allemands qui ont quitté le territoire négatif, les préférences relatives des investisseurs s’en trouvent affectées. Le resserrement des conditions de liquidité implique également un régime de volatilité supérieur. Les marchés actions sont affectés doublement par un ajustement de valorisation d’une part et un tarissement des flux d’achat d’autre part. La correction de valorisation affecte l’ensemble des marchés actions mais de manière plus prononcée les segments de marché dont les valorisations sont élevées. Le marché américain et le secteur de la technologie en particulier sont les plus touchés. La hausse des taux redonne de l’attrait aux actifs obligataires et va nécessairement provoquer un flux de réallocation en dehors des actions et au profit des marchés de taux. Le paradigme TINA (« There is no alternative »), par lequel les investisseurs étaient contraints de remonter l’échelle de risque, semble donc toucher à sa fin. Incidemment, le pivot de banque centrale US sur la politique monétaire implique que le Put de la FED n’existe plus.
Allocation d’actifs : une approche prudente et diversifiée est de mise
Dans cet environnement moins lisible sur la croissance et confronté à une inflation élevée, les choix d’allocation d’actifs sont déterminants. Une approche diversifiée est certainement de mise. L’or et les matières premières ont historiquement montré leurs qualités dans des environnements inflationnistes et occupent une place de choix dans une allocation d’actifs. L’or en particulier conserve un statut de valeur refuge qui prend tout son sens alors que les risques géopolitiques continuent de faire l’actualité. Dans la période de forte inflation des années 70, le métal jaune s’était particulièrement distingué affichant la meilleure performance de tous les actifs. Aujourd’hui, si l’or est toujours présent au bilan des banques centrales, son poids dans l’économie financière a largement reculé et on ne doit pas en attendre la même performance. Les métaux industriels, au cœur de la transition énergétique, conservent également une alternative de diversification intéressante.
Les marchés actions sont engagés dans une phase de correction dans les principales zones géographique avec des niveaux plus ou moins avancés. Plus que l’allocation géographique, le maître mot est d’adopter une discipline forte en matière de valorisation et de se focaliser sur les sociétés qui génèrent des flux de cashflow élevés. Le segment « Value » des valeurs décotées affiche des performances satisfaisantes depuis le début de l’année et devrait continuer de combler un retard de performance colossal accumulé au cours des dix dernières années. A l’inverse, le secteur de la technologie, qui s’était distingué pendant la période de covid, fait face à un ralentissement marqué de sa croissance bénéficiaire.
Les marchés obligataires ont pour leur part connu leur pire début d’année depuis plus de 40 ans et on peut commencer à retrouver quelques segments qui offrent de la valeur. C’est notamment le cas sur le marché américain. Les obligations à taux flottants, naturellement protégées en cas de hausse de taux, font tout leur sens. De la même manière, les maturités courtes, inférieures à 3 ans, permettent de bénéficier d’un rendement relativement élevé. A l’inverse, si le marché obligataire chinois offrait de la valeur relative, les rendements des obligations du trésor américain sont dorénavant plus élevés sur des maturités de 5 ans et plus. Le segment des obligations convertibles retrouve également de l’attrait, la hausse des taux permet en effet de retrouver un plancher obligataire sécurisant pour l’investisseur.
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